Bien peu de promeneurs remarquent ces détails qui rendent pourtant une balade si riche : un écureuil ramassant des fruits au sol, un pivert rentrant dans un trou d’arbre, une belette traversant le chemin, un chevreuil se désaltérant dans un ruisseau … Pourtant avec une dose de discrétion, une pincée d’œil attentif et un zeste de chance chacun peut faire de belles observations. (Une bonne paire de jumelle aidera à voir des détails invisibles à l’œil nu).
Les « Anciens » avaient un plus grand respect que nous de la nature et savaient en tirer des leçons. Après de patientes recherches, j’ai pu retrouver de vieux dictons ligériens correspondant à certaines de mes propres observations!
Mai 1986, la Loire est montée très haut. Route et champs sont totalement submergés en bord de Loire. Parti en canoë, je m’arrête pour observer deux oiseaux que je ne connaissais pas à l’époque. Deux sternes (appelées aussi hirondelles de mer) revenant d’Afrique pour nicher sur la Loire. Survolant l’eau avec élégance, elles se laissent tomber comme des pierres puis remontent, me laissant apercevoir parfois le reflet argenté d’un minuscule poisson vite avalé. Rapidement un des oiseaux se perche sur un piquet. Le deuxième après une plongée vient se poser sur le barbelé à son côté et lui tend un petit poisson au bout de son bec. Le premier tourne la tête et semble refuser l’offrande. Cette manœuvre se déroule une deuxième fois et c’est seulement au bout de la troisième tentative que la première sterne prend le poisson et l’avale. Les deux oiseaux s’envolent et repartent ensemble…
Je venais d’assister à l’union de deux sternes. La femelle ayant accepté le poisson offert par le mâle, le couple était formé et allait tenter d’assurer sa descendance.
Hors, voici, déchiffré sur un papier jauni trouvé dans un grenier, un dicton en langue Gallo, probablement né d’une observation identique :
« Si l’élu(e) de ton cœur te refuse ces fleurs,
Offre-lui sur le champ un p’tit bout de flétan ».
(Une autre traduction propose:
« Balance lui dans les dents, un morceau de hareng »).
Offre-lui sur le champ un p’tit bout de flétan ».
(Une autre traduction propose:
« Balance lui dans les dents, un morceau de hareng »).
Juillet 2014. La Varenne. Sur le plateau.
Le soir commence à tomber. Je marche silencieusement le long d’une haie. J’essaie de repérer une chouette qui vit tout près dans un arbre, quand ses cris d’alarmes retentissent.
Elle est perchée sur une branche basse. Je suis trop loin pour l’avoir effrayée. Je sais donc qu’à proximité se trouve un danger pour elle. Fouine, chat, épervier ? A 20 mètres de moi, je distingue deux silhouettes courant dans les herbes hautes. Elles se rapprochent. 10 mètres. Ce sont des petits renards. Je reste sans bouger. Soudain un des deux renardeaux me voit et s’immobilise quelques secondes. Il tient dans la gueule un petit rongeur (mulot, campagnol ?) et se fait poursuivre par l’autre petit qui veut probablement lui chiper sa proie. Affolé il reprend sa course et passe à 5 mètres de moi. Le deuxième plus prudent fait un détour… et repart à la poursuite du premier.
Deux jours plus tard, je trouve sur le bord de la route un jeune renard écrasé. Peut-être un des deux observés ?
M’est alors revenu en mémoire le dicton suivant, entendu d’un vieux viticulteur tout en dégustant un jeune muscadet dans une cave ancestrale:
« Qui du mulot fait casse-croûte
Fini aplati sur la route ».
Enfin, cette observation: il y a quelques années, sur les bords de Loire en aval du pont de Oudon, avant que ne soit construite l’autoroute à vélocipèdes et tenues fluo :
Nous sommes deux et repérons un écureuil fort agité au-dessus de nous. Jusque là rien d’anormal. Il arrive souvent qu’inquiet, l’écureuil s’agite nerveusement, piétine ou fasse des allers-retours sur la branche et pousse des petits cris secs. Cette fois-ci cependant il donne l’impression de se laisser approcher de façon étonnante. Nous reculons de quelques mètres et prenons nos jumelles pour voir sa réaction. Un peu calmé, il descend alors tête en bas sur un tronc et se rapproche d’un deuxième écureuil que nous n’avions pas remarqué. Agrippé au tronc, celui-ci est comme figé et semble blessé ou malade. Le premier, s’agrippant par ses seules pattes arrière, saisit alors avec ses mains les bras du deuxième et tente de le remonter en le tirant. Avec bien des difficultés il réussit à le hisser un peu. Nous nous approchons à nouveau. Nous examinons l’écureuil amorphe sans voir de blessure ni rien expliquant son immobilisme. Ce comportement restera un mystère, les écureuils étant des animaux assez indépendants. S’agit-il d’une aide entre un adulte et un jeune ? La solidarité existe-t-elle entre écureuils ?
Ce comportement a cependant déjà observé jadis puisque voici la traduction d’une stèle latine trouvée dans mon jardin en creusant un trou pour enterrer mes bons du trésor de la Caisse d’Épargne:
« L’écureuil de ses mains - Tente d’aider son voisin
Es-tu sûr que le tien – Fera de même pour ton bien ? »
Texte : Jac Assemand